Nouvelles du terrain #3 - Les filles, elles ont moins d'idées?
"Sur 120min, les garçons ont parlé 112min" Ce mois-ci, on parle de l'égalité filles-garçons dans nos classes. Et on en profite pour souhaiter un joyeux anniversaire à l'École Change Demain 🎂
Bonjour 🤗
C’est nous, Emma et Julie. Aujourd’hui on va parler d’un sujet qui me préoccupe beaucoup : dans ma classe de CM1/CM2, les filles prennent beaucoup moins la parole que les garçons. J’ai profité de la journée internationale du droit des femmes pour questionner mes élèves à ce sujet, écouter la recherche et m’inspirer des meilleures pratiques de mes collègues.
Aujourd’hui, L’École Change Demain souffle sa première bougie !🎂
Et on est un très émues. 🥹
Alors on a regardé en arrière… puis on s’est lancées :
on vient de créer notre plateforme de dons, pour que vous puissiez écrire la prochaine année avec nous. À partir d’1 euro. Ce serait un très beau cadeau 🎁
Si tu as 4min30
(on s’est chronométrées)
👧 La parole aux élèves : les filles, elles ont moins d’idées?
🔍 Perspectives de chercheuse : rencontre avec Sarah Sagueton, doctorante en Sciences de l'éducation et de la formation
☀️ Entendu dans notre Tour de France: vos idées pour une école plus égalitaire
💡C’est déjà demain ! À la rencontre des profs qui font bouger l’École
🎂 Aujourd’hui l’École Change Demain souffle sa 1ère bougie, et pour notre anniversaire on souhaite… 🥳
Les lundis et jeudis matin dans ma classe, on commence par un « Quoi de neuf ? », où chacun peut s’exprimer librement.
Depuis le début d’année je remarque que seuls les garçons prennent la parole. J’ai bien essayé de motiver les filles : « On a que des garçons ce matin, aucune fille ne souhaite parler ? » ; mais rien n’a changé.
Le mois dernier j’ai donc décidé de quantifier les prises de parole.
Nous avons été 8 jours en classe, à raison de 15 min par jour, ce qui fait un total de 120 minutes d’espace de parole sur le mois de février. Seules 2 filles se sont exprimées, respectivement pour 3 et 5 minutes chacune. Bon le calcul est vite fait, 8 minutes de temps de parole pour les filles contre 112 minutes pour les garçons. Ça fait mal !
Pourtant, j’essaie vraiment d’être vigilante à toutes les formes de sexisme ordinaire dans mes pratiques de classe. Qu’est-ce que ces enfants ont déjà intériorisé ? Et surtout, comment rééquilibrer la balance ?
👧 La parole aux élèves
Comme d’habitude, je me tourne d’abord vers mes élèves: “J’ai remarqué que les filles prenaient beaucoup moins la parole que les garçons en classe, qu’en pensez-vous ?”
Et là sans surprise, ce sont les garçons qui se pressent pour répondre.
“C’est parce qu’elles sont plus timides que les garçons” (Ilyane)
“C’est parce que les garçons font du sport, ils ont plus de choses à raconter” (N’Faly)
“Peut-être qu’on a plus d’énergie et les filles elles en ont moins” (Daniel)
Après de multiples relances et sollicitations auprès des filles, Ritej me chuchote “c’est parce que les filles, elles sont gênées”.
Comment en tant qu’enseignante, lutter contre ce lourd héritage qui dépasse largement les murs de ma classe ?
J’ai besoin de prendre de la hauteur, d’écouter ce que dit la science.
🔍 Perspectives de chercheuse
Je me tourne alors vers Sarah Sagueton, doctorante en Sciences de l'éducation et de la formation à l’Université Lumière Lyon II et l’Université de Genève. Sarah a mené une recherche-action auprès de 3 enseignant(e)s de primaire sur la prise de parole des filles et des garçons. Dans le mille !
Égalité filles-garçons à l’école, Sarah, on en est où ?
Dès les années 80 les recherches sur le genre ont commencé à s'intéresser à l'École, avec le constat suivant : au primaire, les enseignants et enseignantes interagissent 2 fois plus avec les garçons qu’avec les filles. Les garçons reçoivent plus d’aide, leurs réponses sont davantage attendues.
Au secondaire, les inégalités sont encore plus marquées : les garçons ont 8 fois plus de probabilité d'intervenir de manière insistante pour obtenir la parole ou l'attention.
Cette situation s’est largement améliorée au primaire (55% d’interactions enseignant(e)-garçon, 45% enseignante-fille). Au secondaire, les évolutions sont moins nettes, les inégalités persistent.
Pourquoi c’est comme ça ?
Les enfants agissent en fonction des normes de genre qu’ils intériorisent très jeunes. Rappelons que le genre est un système de normes qui produit le féminin et le masculin et qui les hiérarchise. Ce système genré influence à la fois les intéractions des élèves entre eux mais aussi entre l’enseignant(e) et la classe. Les enseignant(e)s intègrent eux-mêmes un certain nombre de stéréotypes et les reproduisent souvent de manière inconsciente.
Alors demain, comment imaginer un système plus égalitaire ?
La formation des enseignants et enseignantes est primordiale. Être sensible à ces questions d’inégalités ça s’apprend et surtout ça s’entretient ! Mais il ne suffit pas de prendre conscience de ces inégalités pour qu’elles diminuent ou disparaissent. Il faut mettre en place des outils concrets.
En voilà 3 testés dans le cadre de la recherche-action que j’ai menée et qui portait spécifiquement sur le temps du Conseil (en pédagogie Freinet, le Conseil est un temps d’échange régulier entre élèves, pour réguler la vie de classe, résoudre des conflits et proposer de nouvelles idées).
1. Limiter à 3 le nombre de prises de parole par élève.
Résultat : plus de parole des filles, mais seulement après les garçons.
2. On a alors proposé la “liste de priorité” : privilégier l’intervention de celles ou ceux qui n’ont pas encore parlé.
3. Mettre en place d’une fiche où chacune et chacun peut inscrire ses propositions en amont.
Ces mesures ont ensuite été votées en Conseil. L’idée c’est aussi d'inclure les enfants dans ces réflexions, les mesures qu’ils votent eux-même ont toujours plus de poids.
J’ai pris Sarah au pied de la lettre et je suis retournée en classe poser la question à mes élèves : “Comment faire pour que les filles parlent plus ?”
“Il faut mettre un temps réservé aux filles pendant le quoi de neuf” (Ilyane)
“Les garçons doivent parler de jeux qu’ils font avec les filles comme ça elles peuvent parler avec eux” (Bilel)
“Dès qu’un fille lève le doigt, il faut l’interroger” (Daniel)
C’est vrai qu’ils en ont des idées, nous décidons donc d’en intégrer une à notre pratique de classe, et de la voter au Conseil.
🥳Désormais un temps du quoi de neuf est réservé aux filles.🥳
Pour l’instant il n’est pas très investi mais j’ai bon espoir que cet espace dédié les aide peu à peu à se lancer.
☀️ Entendu dans notre Tour de France
Dans nos ateliers les filles, et en particulier les collégiennes, sont nombreuses à imaginer une École plus égalitaires. Voici un extrait écrit la semaine dernière par 4 élèves de 4ème à Strasbourg, à l’occasion des Rencontres Européennes de la Participation Citoyenne.
💡C’est déjà demain !
Ce mois-ci à la rencontre de 2 enseignantes qui transforment leurs pratiques pour plus d’égalité.
Au lycée Jean-Jacques Rousseau de Sarcelles (95), Maud Carlier-Sirat, professeure de Lettres, et Aurélia Dufils, professeure documentaliste, ont cofondé la Brigade Égalité Filles/Garçons en 2020. Depuis, chaque semaine, des lycéen·nes volontaires s’y retrouvent pour apprendre, débattre et sensibiliser leurs camarades aux enjeux d’égalité.
Audrey Chenu est enseignante en CP/CE1 en REP+ à Bobigny (93). Depuis 15 ans, elle explore les leviers qui favorisent l’égalité filles-garçons à l’école primaire, notamment par le sport.
🎂 Pour notre anniversaire, on souhaite…
Continuer à vous rencontrer, partout en France. Merci aux enseignants, aux assos et aux entreprises qui nous ont fait confiance ( cc VersleHaut, le Sens de l’École, la MAIF, l’Association Citoyenne de Pujaudran, le MEDEF, le CUBE EIC, Futur Engagé, le Choix de l’École, la Maison de l’Apprendre, le Learning Planet Festival…💙). Ces moments sont magiques. Lien pour être recontacté.
💸 Avoir les moyens de nos rêves : publier la synthèse de notre démarche et l’envoyer à toutes les classes qui y ont participé, multiplier les événements, porter plus haut notre plaidoyer citoyen… Dès 1 euro, devenez financeur de l’École Change Demain. Ici
Être de plus en plus nombreux à rêver ensemble. Tu veux devenir ambassadeur·rice de notre mouvement ? Rejoins la session d’accueil demain de 13h à 14h à distance 😍
Avant de partir, on avait un dernier message à vous partager. Il vient de Deborah, ambassadrice du mouvement et fondatrice de Majorit’ere, la 1ère plateforme de référendum dédiée aux citoyen.nes de 8 - 18 ans. En ce moment, les élèves peuvent pour ou contre les concours d’éloquence au lycée. Enseignant·es, faites voter vos classes ici.
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À très vite,
Julie et Emma - L’École Change Demain
[1] École, collège, lycée
NL super intéressante : merci !
Quelle joie de lire ce partage très riche qui me fait prendre conscience des inégalités filles /garçons. Je serai plus attentive dès demain. Qu’on se le dise !