Nouvelles du terrain #2 L'École c'est comme une prison ?
Ce mois-ci on questionne la réflexion d'Ayman 9 ans qui compare notre École à une prison. Pourquoi c'est comme ça ? Et comment faire autrement ? Et en + on vous annonce une super nouvelle 😍
Bonjour 🤗
Pour ceux qui auraient raté le 1er épisode, je suis Julie, enseignante en CM1/CM2 à Chanteloup-les-Vignes et chaque mois ici, je me questionne avec d’autres sur une situation vécue dans ma classe, pour prendre un peu de hauteur sur notre système scolaire et imaginer comment l’améliorer demain.
Avant de commencer, j’ai une super nouvelle à vous annoncer : l’École Change Demain est lauréate de la Social Cup !! 🏆💙
Pour décrocher le 1er prix, on va avoir besoin de vous : votez pour nous entre le 6 et le 13 mars. Un mail arrive avec toutes les infos. Tenez-vous prêts! 🥳
Envie de rejoindre notre mouvement? Participe à notre session de rencontre en ligne, le 4 mars de 13h à 14h. Clique ici 🥰
Revenons-en à nos moutons. 🐑
Avant les vacances, j’ai emmené mes élèves à un atelier sur le système solaire proposé par la ville.🪐 De retour à l’École, tous les élèves s’élancent avec vigueur dans la cour de récré. Tous, sauf un. f
Ayman, s’est assis sur le banc devant l’école et reste immobile.
« Allez Ayman, plus vite, pourquoi tu marches si lentement ? ». En bonne maîtresse à l’emploi du temps millimétré, j’insiste.
« Bah maîtresse, je profite encore un peu de ma liberté, l’école c’est un peu comme une prison ».
Rire nerveux, mécanisme défensif : « Oh tu exagères quand même ! ».
Je reprends la classe, décontenancée. 😶
Si tu as 4min30
(on s’est chronométrées)
👧 La parole aux élèves : un appel à la liberté !
🔍 Perspectives de chercheur : rencontre avec Pascal Clerc, Géographe rattaché au laboratoire EMA (École - Mutations - Apprentissages)
☀️ Entendu dans notre Tour de France: vos idées pour ouvrir l’École demain
💡C’est déjà demain ! À la rencontre des profs qui font bouger l’École
🇫🇷 En mars dans notre Tour de France (et la chanson de l’École Change Demain🎵)
👧 La parole aux élèves
Pour comprendre, c’est d’abord les élèves que j’écoute : “Un jour, Ayman m’a dit “l’École c’est comme une prison”. J’aimerais savoir ce que vous en pensez”.
En cœur ils me répondent : “À l’École on se sent en-fer-més!”
« Tout est fermé à clefs » Adam
« On ne peut même pas aller où on veut » Ilyane.
“Quand on est dans la cour de récréation, on ne peut même pas parler avec les personnes qui sont de l’autre côté du grillage ». Nayla
« Regarde maîtresse c’est une prison la classe; on voit même pas dehors ». Giorgi
C’est vrai ça, depuis la classe, les brise-vues adhésifs nous empêchent de voir l’extérieur. Avec le temps, je ne les remarque plus. Pourtant moi aussi ça me dérange, moi aussi je me sens souvent enfermée dans cette classe coupée du monde.
Et que dire de cette école voisine qui a installé des claustras autour de la cour de récrée pour que les enfants n’aient plus d’interactions avec l’extérieur. Je crois que je le comprends autant que ça m’attriste. Je veux bien sûr que mes élèves soient en sécurité, mais j’aspire aussi à une École qui aide les élèves à appréhender le monde extérieur, à s’y intégrer.
De quoi protégeons-nous vraiment les enfants en les coupant de l’extérieur? Une École fermée est-elle vraiment sûre ? Est-ce possible de faire autrement? Est-ce souhaitable?
🔍 Perspectives de chercheur
Pour m’aider à répondre à Ayman, j’ai sollicité l’avis de Pascal Clerc.
Pascal est géographe rattaché au laboratoire EMA (École - Mutations - Apprentissages) et Professeur des Université Émérite. Je l’ai découvert grâce à son dernier livre Émanciper ou contrôler sorti en août dernier aux éditions Autrement. Il y pose justement les questions suivantes : « L’école doit-elle protéger du monde et pour cela s’en séparer ? Ou, au contraire, faut-il l’ouvrir aux grands vents du dehors, au monde tel qu’il est ? ».
Voici un condensé de notre échange (passionnant!) que vous pouvez lire en entier ici.

“Dans les entretiens que j’ai menés pour écrire mon livre, la comparaison avec l’univers carcéral revient fréquemment. Elle est probablement excessive, mais donne un signal à ne pas négliger.
L’École fermée sur l’extérieur, ça vient d’où Pascal?
Le modèle scolaire que nous connaissons est hérité de la IIIᵉ République. Historiquement il a pour objectif d’encadrer l’assimilation d’un socle de valeurs et de références communes, pour former des citoyens républicains. Le but de l’École c’est d’encadrer, de contrôler… et non d’émanciper. Et ça explique son rapport à l’extérieur.
L’on distingue 3 grands types de rapports à l’extérieur
Le dehors comme ressource 🌱
Le dehors comme distraction, qui empêche de travailler🫨
Le dehors comme menace, l’École se doit protéger les élèves d’un extérieur perçu comme dangereux.⚠️
Ces deux dernières conceptions se sont largement imposées, comme en témoignent l’architecture des bâtiments scolaires (rehaussement des murs, SAS, claustras…) et l’organisation administrative qui rend difficile les contacts avec l’extérieur.
De quoi protège-t-on vraiment les enfants en fermant les Écoles ?
Tous les acteurs de l’éducation interrogés pour mon livre s’accordent sur un point: un enfant a besoin de sécurité affective et physique; mais l’idée selon laquelle on pourrait sécuriser les élèves en barricadant les bâtiments est une illusion. La seule véritable protection vient de la présence humaine.
Cette illusion du cloisonnement pose problème car elle conduit à une escalade: plus on verrouille les établissements, plus ceux qui ne le sont pas deviennent des cibles évidentes. Si une rue compte dix maisons ultra-sécurisées et une seule laissée ouverte, celle-ci attirera inévitablement les intentions malveillantes.
Et demain ?
Je ne suis pas très optimiste quant aux évolutions possibles. Je vois des milliers enseignants qui donnent des impulsions de changement. Leur passage à l’échelle nécessite un réel changement d’état d’esprit.
Prenons l’exemple des projets de végétalisation des cours de récréation. Ils semblent à première vue intéressants pour rétablir une relation avec l’environnement. À la condition que la végétalisation ne soit pas uniquement perçue comme… une nouvelle norme (certes mieux que le bitume), un moyen de contrôler et de normer le dehors.
Je milite pour le modèle de la Cour Punk, inspiré du jardin punk, avec des espaces ouverts, des brèches, des ouvertures possibles, une vraie nature libre, et non une mise en cage du végétal. Ce modèle est aujourd’hui très difficile à faire accepter.”
En faisait mes recherches j’ai découvert que le jardin punk ça existait déjà à l’École, au Lycée Nature de La Roche-sur-Yon précisément ! Le découvrir ici
Merci Pascal ! Effectivement, je le constate au quotidien : pour ouvrir l’École, les freins logistiques, sécuritaires et institutionnels ne manquent pas - demandes d’autorisation, plan vigilance attentat, accompagnateurs, attentes des programmes, craintes des parents. Mais je crois comme vous que c’est avant tout notre état d’esprit qu’il faut faire évoluer.
Changer d’état d’esprit, c’est d’ailleurs ce que l’on essaye de faire dans notre Tour de France !
☀️ Entendu dans notre Tour de France
Ouvrir l’École ouverte sur l’extérieur, c’est l’un des principaux axes de vision qui émergent des ateliers citoyens. Vous êtes nombreux à nous parler :
d’une École ouverte aux parents qui viendraient y partager leurs savoirs
d’une École où interviennent les associations locales, les structures sociales, les artisans du coin… pour prendre le relais des enseignants
d’une École où l’on peut apprendre dehors (dans la nature, à la piscine…)
Nous avons sélectionné ici un extrait de l’un de ces récits citoyens qui racontent la grande histoire par la petite.
“24 janvier 2040.
Nous vous invitons à l'inauguration de notre Yourte installée dans la cour de l’école. Elle est née d’un travail collaboratif entre les élèves et leurs parents, les enseignants, les associations, la mairie … bref que des bonnes volontés !
Dans un premier temps, les élèves ont imaginé leur Yourte en art plastique. La médiathèque a été associée pour présenter aux enfants l’histoire des Yourtes et leur peuple. (…) Sur la base de ces connaissances, les enfants ont utilisé leurs compétences disciplinaires pour concevoir le plan et l’ensemble des éléments pour sa construction (maths, français, géo, histoire, dessin, art plastique …).
Dans un second temps, la Yourte a été construite avec les parents (menuisier architecte peintre …) avec l’aide d’associations locales et services municipaux. (…)
Aujourd’hui, la Yourte est un lieu de vie et d’échange. Les enfants sont les gardiens de l’espace. Grâce à l’implication de tous, la Yourte est largement respectée. Elle fédère un grand nombre de personnes. “
Une histoire écrite par Pierre, Stéphanie et Laurence
💡C’est déjà demain !
Comme le disait Pascal Clerc, des milliers d’enseignants sont déjà engagés dans des démarches qui visent à insuffler cette ouverture émancipatrice. Voilà 2 exemples de projets concrets qui font bouger les lignes de l’École.
J’ai monté un projet d’échanges intergénérationnels entre les élèves de ma classe de CM1-CM2 et les résidents de l’EHPAD d’Andrésy.
Caroline, L'Engraineuse est enseignante de SVT à Bordeaux. Elle a créé pour ses élèves un permapotager, au sein même du collège.
🇫🇷 En mars, dans notre Tour de France !
En mars, en plus de nos ateliers dans les Écoles, 4 événements publics sont prévus, pour que l’on puisse se rencontrer, en vrai. Pourriez-vous nous aider à passer le mot à vos amis qui seraient dans le coin?
À Montreuil 👉 Quels liens entre l’École et la Recherche ? Les enfants chercheurs d’Or (12/03)
À Tourcoing 👉 Quelles compétences demain ? Quels nouveaux espaces d’apprentissage ? (18/03)
À Strasbourg 👉 Quelle place pour les élèves, les enseignants, les parents, dans les politiques éducatives de demain ? (18/03)
À Clermont-Ferrand 👉 Comment créer une École vraiment pour tous les enfants? (19/03)
Avant de se quitter, on voulait partager un beau cadeau qu’on nous a fait. Lors de notre événement au Festival de l’Apprendre à Lyon, Amin Djoneidi a créé en direct une restitution de vos idées, en chanson…🎵 On est fans ! Et vous ?
Si vous êtes enseignant(e) et vous voulez accueillir un atelier de l’École Change Demain dans votre classe, cliquez ici. C’est testé et très approuvé ! 🤩
Voilà, c’est terminé pour aujourd’hui. Merci de nous avoir lues jusqu’au bout.
On a deux derniers services à te demander :
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À très vite,
Julie et Emma - L’École Change Demain
[1] École, collège, lycée
Merci pour cet article, effectivement comme beaucoup les écoles ultra sécurisées me dérangent et ce encore plus depuis que je suis élue et que je dois me conformer aux directives ministérielles pour "sécuriser" encore plus les établissements scolaires contre les intrusions. La dernière étape est la pose de filtres solaires réfléchissants sur les vitres pour que l'éventuel intrus nuisible ne puisse pas voir à l'intérieur des classes. Résultat : les classes sont plongées dans la pénombre à longueur de temps, et il faut allumer les lumières quasi tous les jours de classe. Ainsi les jours de mauvais temps, nos élèves de maternelle, qui n'ont pas encore de préau et qui font récréation dans la salle de motricité, n'ont quasiment plus accès à la lumière naturelle. Quand avons nous accepté un tel état de fait pour nos enfants ? Et ce au nom d'un "sentiment" de sécurité plutôt qu'une véritable sécurité car un intrus mal intentionné pourra toujours faire du mal qu'il voie à travers les vitres ou non, il lui suffira de les casser.
Merci pour cet article passionnant, j'ai beaucoup appris en quelques lignes et cela m'a donné envie d'approfondir ce sujet de l'ouverture de l'école sur l'extérieur qui me taraude depuis 1 an (cf les représentations collectives de sécurité vs le souhaité et le souhaitable)